Après
l'immense déception qu'entraîna " clerks " (critique ici)
, je me devais de regarder un film digne de ce nom pour laver l'affront fait à
mes rétines et mon intellect. Pour oublier cette " chose " il
fallait une uvre de caractère, finement dirigée, filmée
avec soin et maîtrise et portée par un acteur charismatique. Mon
choix se porta donc tout naturellement vers un des joyaux de la riche carrière
du trop peu connu Rafal Zielinski : Kickfighter.
Déjà aux
manettes des splendides " screwball " et " screwball hotel "
ou encore du déconcertant " heavy metal summer ", Zielinski se
lance ici dans la description crue et sans fard d'un monde trop peu traité
au cinéma, celui des combats clandestins de kickboxing. Véritable
virtuose, il nous gratifie ici de plans frisants le sublime tant tout y est travaillé
et léché. Digne héritier de Fritz Lang, dont il n'hésite
pas à se réclamer, même si la filiation est évidente
pour qui connaît l'uvre du maître, il arrive sans peine à
relever le pari qu'il s'est fixé : bouleverser le spectateur en dépeignant
de façon impitoyable mais humaine ce milieu sordide, mais pourtant attachant
sous l'il de ce cinéaste hors pair, qu'est celui des combats organisés
par la mafia.
Un film choc et sans concession qui ne serait pas ce qu'il
est sans la présence d'un acteur comme on en fait malheureusement trop
peu. Lorenzo Lamas.
Si Lorenzo Lamas est universellement reconnu ce n'est
pas seulement pour son physique et ses qualités martiales, mais également,
et avant tout, pour ses talents d'acteur. Incarner le héros d'une série
comme " le rebelle " n'est pas chose aisée au vu de la complexité
du personnage, ce policier poursuivi par les siens suite à un complot et
condamné a vivre dans l'illégalité avec sa moto pour seule
compagne. Cette composition troublante et poignante d'un personnage torturé
oeuvrant pour le bien, envers et contre tout, malgré son statut de paria,
est, pour la plupart d'entre vous, votre unique rencontre avec cette icône
du cinéma américain.
Car, contrairement à nombre d'acteurs,
pourtant moins talentueux, Lorenzo a choisi de ne pas courir après la reconnaissance
et les honneurs, préférant choisir de petites productions au budget
certes modeste mais permettant de construire de vrais personnage et d'exploiter
au mieux la large palette de ses talents.
A l'acteur n'ayant plus à
faire ses preuves, Lorenzo ajoute un artiste martial complet qui lui permet d'avoir
accès à tous les rôles et ainsi de se donner pleinement au
cinéma. C'est une uvre antérieure a la saga " renegade
" (" le rebelle " en VO) que je souhaite ici vous présenter
: Kickfighter .
Un an avant d'irradier le petit écran avec sa prestation
hallucinante dans " le rebelle ", Lorenzo Lamas fait ici éclater
tout son talent par son interprétation sans faille de Miles Keane, propriétaire
d'un night club faisant des combats clandestins pour payer ses traites a son créancier
mafieux le terrible Lynch (impeccable Anthony Geary, tout en sobriété
et retenue). Notons ici le petit clin d'il du cinéaste a l'un de
ses confrères (moins doué convenons en).
Servi par un scénario
d'une rare finesse et d'une subtilité quasi palpable, Lorenzo Lamas se
donne pleinement dans ce personnage ambivalent et ténébreux. Propriétaire
d'un night-club avant-gardiste (les chorégraphies des danseuses sont d'ailleurs
magnifiques), Miles est également un photographe doué, à
la production encore confidentielle, un redoutable combattant, mais également
un fils attentionné qui donnerais sa vie pour réaliser le rêve
de sa mère (avoir son night club). Cette triple personnalité
convient merveilleusement à Lorenzo, qui peut faire étal de tout
son talent a travers cette performance quasi schizophrénique tant il est
investi dan ses personnages pourtant si différents. Si il compréhensible
que tenir le rôle d'un combattant exceptionnel ne lui demande que peu d'efforts
au vu de ses aptitudes physique et de sa prestance, son incarnation de Miles en
tant qu photographe est elle bluffante à tout point de vue. Lorenzo, a
sû a l'aide d'un seul accessoire, se transformer littéralement, une
fois ses lunettes chaussées, pour donner vie à ce photographe fasciné
par le regard de ces gens a qui on ne donne jamais la parole et dont la seule
étincelle de vie passe par les yeux. Les sans abris.
En avance sur
son temps pour ce qui est de son approche d'un art qu'il veut militant, Lorenzo
est tout simplement magnifique dans ce rôle un peu contre emploi qu'il endosse
avec brio et justesse. Ce personnage se voit prolonger dans ce fils aimant et
ce patron de bar soucieux du bien être du moindre de ces employés,
mais il sait faire place à la bête : le combattant inégalable
en kickboxing (d'ailleurs le titre original " night of the warrior "est
a ce titre bien plus éloquent). Si c'est un réel plaisir de voir
Lorenzo à l'action, totalement pénétré par ses personnages,
ça l'est encore plus lorsqu'il se laisse envahir par le coté obscur
de son personnage et laisse parler son talent martial. Prisonnier de l'accord
le liant a Lynch il est contraint d'accepter des combats a mort faisant l'objet
de paris. Cette trouvaille du scénariste permet d'observer au combien Lorenzo
mérite son statut de maître des arts martiaux. Des chorégraphies
réglées au millimètre permettent d'observer au combien Lamas
est au sommet de son art ici, n'ayant rien a envier a un bruce lee ou autre jackie
chan. Associant la brutalité d'un tony jaa avant l'heure a une virtuosité
technique reconnue comme supérieure a celle de jet li, Lorenzo est tout
simplement flamboyant dans ces moments et fait facilement oublier ceux que l'on
présente comme des références.
Un acteur exceptionnel
et des scènes d'actions époustouflantes ne font un bon film que
si le scénario est à la hauteur. Et ici il faut reconnaître
qu'il est également au diapason. Soigneusement dosé, le suspens
suinte et la tension monte graduellement jusqu'à un final que l'on ne peut
qualifier que d'hallucinant avec l'arrivée impromptue d'un personnage qui
permettra a Lorenzo d'exprimer a nouveau tout son talent et se montrer dans toute
sa superbe lors d'une confrontation tout simplement fascinante issue de son passé
tumultueux.
Un film complet, impressionnant et touchant malheureusement
trop peu connu et qui permet de découvrir un Lorenzo Lamas dans un rôle
bouleversant a 100 lieues de " the renegade " même si on y retrouve
deux constante : le talent et la moto. Une uvre à decouvrir pour
saisir pleinement le potentiel de ces géants du cinema que sont Lorenzo
Lamas et Rafal Zielinski. Une pièce maîtresse du cinéma underground.